La Colombie connaît depuis plusieurs années des évolutions majeures qui ont converti ce pays andin en une terre d’opportunités. La situation politique, économique et sociale ne cesse de s’améliorer, notamment depuis la fin du conflit armé avec la guérilla des FARC et l’ouverture du pays à l’international. Surtout, le tourisme s’y développe à grands pas. Cependant, un certain nombre d’obstacles se dressent encore en travers de la route que les Colombiens ambitionnent de suivre.
Des voyants économiques au vert
La Colombie d’aujourd’hui c’est un pays tourné vers l’avenir, bien décidé à faire oublier ses heures sombres. Longtemps absent des radars, il est aujourd’hui de plus en plus attractif. En 2017, 6 millions et demi de touristes ont foulé ce territoire bordé par l’océan Pacifique et les Caraïbes. Un chiffre record qui a triplé depuis 2010 et a généré la création de près de 2 millions d’emplois selon le Ministère du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme. Cette évolution est directement liée à l’amélioration de la sécurité aux quatre coins du pays depuis la démobilisation des FARC. En 2017, la violence a été à son plus bas niveau depuis plus d’un demi-siècle et le début des confrontations entre l’Etat, les guérillas et les groupes paramilitaires. « Nous avons atteint un taux d’homicides de 23 pour 100 000 habitants. Cette année restera dans l’histoire comme la plus sûre en quatre décennies » a déclaré le ministre de la Défense Luis Carlos Villegas.
De plus, ces dernières années, les infrastructures touristiques se sont multipliées pour accueillir ce flot continu de voyageurs. L’investissement direct étranger dans le secteur du tourisme a été de 751 millions de dollars l’an dernier et le secteur privé national a investi près de 2 milliards de dollars dans l’infrastructure hôtelière.
Les accords de paix ont également brassé des investissements de la communauté internationale pour participer à la reconstruction. Avec environ 120 entreprises présentes, la France est le premier employeur étranger (120 000 emplois directs), et figure parmi les premiers investisseurs européens. La constitution de l’Alliance du Pacifique avec le Mexique, le Pérou et le Chili ainsi que la candidature de la Colombie à l’OCDE atteste du développement sans précédent de ce pays. Une santé économique qui ferait presque pâlir ses voisins sud-américains. Le revenu moyen par tête augmente, le taux de pauvreté diminue, l’accès à une couverture médicale et à l’éducation se démocratise quelque peu. Surtout, une véritable classe moyenne est en train d’apparaître. Tous les indicateurs semblent être au vert. Pourtant, le pays reste bien trop inégalitaire et le développement ne profite pas à tous les pans de la société.
Un rayonnement culturel
Cette ouverture indéniable permet à la Colombie de faire découvrir aux yeux du monde ses richesses culturelles, son foisonnement intellectuel et artistique, ses traditions. Le poids du conflit a longtemps pesé sur les épaules du pays. Aujourd’hui, la société civile tente de le dépasser dans tous les domaines. Cela se traduit par une effervescence créative dans l’art, la musique, l’innovation, l’urbanisme, etc.
La Colombie est le terrain d’une production artistique foisonnante. Cette année, par exemple, elle est de nouveau présente au Festival de Cannes. Le film « Les Oiseaux de Passage » de Ciro Guerra est présenté à la Quinzaine des réalisateurs. En 2015, César, Augusto Acevedo avait été récompensé de la Caméra d’Or pour son long métrage « La Tierra y la Sombra ». Ciro Guerra, lui, avait aussi été distingué pour « El Abrazo de la Serpiente »
Cet engouement pour le cinéma colombien est caractéristique de l’ouverture du pays. Ces réalisateurs produisent un cinéma qui mêle modernité et traditions par les thèmes qu’il touche : les communautés indigènes, les croyances ancestrales, le narcotrafic, la question de la terre. Une Commission du film en Colombie a été créée en 2012 pour favoriser les tournages et attirer les réalisateurs sur ce territoire immense et varié. Dotée originellement de 12 millions d’euros, elle a permis de rendre le cinéma colombien attractif. Pour cela, il a fallu changer la perception et l’image de la Colombie à l’étranger.
Des initiatives culturelles, comme l’Année France-Colombie l’an dernier, ont participé à l’évolution des mentalités. Omniprésents dans ce coin du monde, la musique ou les arts urbains relient constamment les colombiens avec leurs traditions. Incarnant, par leur diversité de rythmes et de couleurs, le brassage ethnique et culturel qui les caractérise.
La Colombie est le berceau d’artistes de renommée internationale qui, fiers de leurs origines métissées, ont su exporter à travers le monde. Les grandes villes colombiennes sont un laboratoire créatif. A Bogota, Cali ou Medellin, de nombreux festivals se déroulent chaque année et réunissent des foules venant de tous horizons. Le Parque Bolivar à Bogota accueille par exemple des festivals gratuits de rock, de jazz ou de musiques régionales.
La question des villes en Colombie connait actuellement un extraordinaire renouveau. Marquées jusqu’à récemment par un imaginaire négatif, lié aux risques et à la violence – réelle ou fantasmée – elles sont actuellement en profonde mutations : lutte contre la criminalité par l’urbanisme social, projets architecturaux innovants, rénovations et reconversions de quartiers entiers. Medellin apparaît comme le fer de lance de ces innovations urbaines : elle a été nommée en 2013 ville la plus innovante du monde par le Wall Street Journal, avec ses transports publics, son métro-câble (une télécabine censée désenclaver des quartiers défavorisés). Toutefois, par ces politiques urbaines, les villes colombiennes sont certes plus attractives mais elles génèrent parfois des phénomènes de gentrification voire d’expulsion hors des centres urbains des habitants les plus démunis, souvent des paysans déplacés par le conflit armé ou par les politiques expansionnistes de développement agraire.
Le revers de la médaille
L’année 2018 est une année électorale en Colombie. L’heure de faire le bilan, plus d’un an et demi après la signature à La Havane des accords de paix avec les FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie). Leur mise en œuvre se fait attendre et reste au cœur de l’actualité de ce pays. Ils incarnent les contradictions de la société colombienne. Si le processus de paix amorcé en 2012 a vu la violence nettement diminuer et a placé la Colombie sous le feu des projecteurs, la polarisation de la population à son égard (qui a rejeté les accords à une courte majorité lors du plébiscite d’octobre 2016) ainsi que celle de la classe politique pourrait remettre en cause ces avancées. Le 11 mars dernier, les Colombiens ont élu leurs députés. Les partis de droite, largement opposés aux accords, ont obtenu la majorité des voix au Parlement. Le peuple a retrouvé les urnes les 27 mai et 17 juin prochains pour élire un nouveau président de la République. Mais jusqu’à présent, l’abstention est record. Les Colombiens ne font plus confiance à leurs dirigeants, bien souvent impliqués dans des affaires de corruption. Dans un pays des plus inégalitaires au monde, un fossé se creuse entre les villes et les milieux ruraux, entre certains quartiers défavorisés des métropoles et les centres attractifs.
En Colombie, le développement économique global est certain mais cache de fortes disparités. De nombreuses régions comme le Choco ou la Guajira sont marginalisées et survivent dans l’ignorance totale des autorités. Les exigences de développement rural inscrites dans les accords de paix ne sont pas honorées.
Au contraire, de nombreuses entreprises extractives (mines, charbon, hydrocarbures) mettent en péril des régions entières du pays, hébergeant pourtant une biodiversité sans égal. Les populations qui y vivent, paysans ou communautés indigènes, sont souvent prises pour cible par les groupes mafieux qui s’implantent notamment dans les zones laissées vacantes par les FARC.
La Colombie possède d’immenses atouts qui en font une destination prisée par les voyageurs du monde entier. Le pays change à toute vitesse et offre un panel de paysages et d’ambiances différentes en fonction des régions. Les Colombiens sont extrêmement accueillants et vous feront découvrir sans filtre les contradictions de leur quotidien. La Colombie d’aujourd’hui en est empreinte. Comme dans les histoires de Garcia Marquez, le sublime peut côtoyer le sordide. Lorsqu’on y voyage, garder à l’esprit que la réalité de ce pays n’est pas toujours rose mais permet souvent de briser des barrières avec les habitants.
Texte d’Eliott Brachet