Nichée dans la Sierra Nevada de Santa Marta, cette ancienne cité précolombienne a vraisemblablement été fondée vers l’an 800 par les Indiens Tayronas.
Abandonnée lors de la colonisation espagnole, redécouverte dans les années 1970, cette ville bâtie à flanc de montagne, au-dessus de la côte caraïbe, constitue l’un des vestiges archéologiques majeurs de Colombie. C’est après un long trek dans la jungle subtropicale que vous découvrirez cette « Cité perdue » en ruines, toujours sacrée pour les indigènes…

Un lieu sacré des Tayronas

Dans les années 1970, des guaqueros –des pillards de sépultures indigènes– font, après plusieurs jours de marche dans la jungle, une découverte inattendue. Par le plus grand hasard, ils viennent de mettre la main sur un trésor inestimable – et non monnayable.
Sous leurs yeux, s’élève une cité oubliée, quasiment enfouie sous la végétation. Une incroyable ville en ruines composée d’une centaine de terrasses de calcaire aménagées à flanc de montagne. Alerté par l’improbable découverte, le gouvernement colombien protège le site et les premiers touristes avides de sensations s’aventurent sur les lieux dès 1984.

Perchée à plus de 1000 mètres d’altitude, la ciudad perdida –la Cité perdue– fut vraisemblablement construite en 800 après Jésus-Christ (soit 650 ans plus tôt que le Macchu Picchu), par le peuple indigène Tayrona, avant d’être désertée durant la colonisation espagnole au XVIe siècle.

Un lieu secret jusqu’à sa découverte ? Pas tout à fait. La cité abandonnée était en fait bien connue de certains amérindiens vivant sur cette montagne -Kogis, Wiwas, Arhuacos…- descendants des Tayronas (peuple décimé à 80 % par les colons), mais ils avaient « caché » son existence.

Car, pour eux, Teyuna –comme l’appellent les indigènes– est un lieu empreint de mysticisme, et ses terrasses considérées comme des lieux de cérémonies. « Pour les populations indigènes de la Sierra Nevada de Santa Marta, Teyuna Ciudad Perdida est sacrée, inaliénable, garante de leur culture et de l’équilibre du monde »*, analyse Marie-Laure Guilland, de l’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique latine.

Un trek hors du commun

Pour découvrir la Cité perdue, ne pensez même pas à prendre un véhicule ! Il faut marcher, depuis Machete Pelao, quatre à six jours dans la jungle subtropicale, humide, chaude, très moite –rares, ici, sont les jours sans pluie ! Le trek, intense (une quarantaine de kilomètres aller-retour), nécessite une bonne condition physique : on chemine à travers des chemins boueux et une végétation magnifique mais hostile.

Il faut traverser de nombreuses rivières, dont le rio Buricata, ponctuées de splendides cascades. « Ce périple empli de symboles acquiert un caractère sacré et initiatique. Pour accéder à Teyuna Ciudad Perdida, la fatigue, l’effort et le risque imposé par l’hostilité du lieu, apparaissent comme les équivalents symboliques des rites de purification spirituelle. »

Et lorsque l’on croit toucher au but, il faut encore gravir quelque 1200 marches en pierres (comptez une heure et demie de grimpette !). Au sommet, se découvrent des terrasses circulaires gazonnées, reliées entre elles par des escaliers et desservies par des vestiges de systèmes complexes de distribution d’eau.
Les huttes des Tayronas ont disparu. Nichée au sein d’une forêt vierge époustouflante, la Cité perdue est comme encerclée par des rideaux de palmiers tagua et de fougères arborescentes.

Une civilisation ingénieuse

On sait peu de choses du mode de vie des Tayronas, civilisation perdue. Mais la topographie de leur territoire, de la mer des Caraïbes jusqu’aux très hauts sommets montagneux, leur permettait toutes sortes d’activités agricoles, en plus de la pêche et de la chasse. Les découvertes archéologiques ont révélé qu’ils étaient très habiles artisans, céramistes et orfèvres d’exception.

Grands bâtisseurs, les Tayronas avaient constellé le massif de villages, reliés entre eux par des chemins empierrés. Ils avaient surtout su faire preuve d’audace architecturale : pour s’adapter aux pentes du terrain, ils étaient devenus des experts dans la construction en terrasses –pour l’habitat comme pour l’agriculture.
Leur architecture consistait à éviter l’érosion causée par les pluies sur les versants, grâce à un efficace réseau de répartition de l’eau de pluie. Cette capacité à mener de grands travaux de terrassement laisse entendre que leur organisation sociale était efficace.

On suppose que la Cité perdue, où vécurent au minimum 2000 habitants, fut jadis le centre politique et économique de la région du Rio Buritaca. « Parmi les vingt-six sites archéologiques trouvés à ce jour dans le bassin de la rivière Buritaca, Teyuna semble avoir été le plus vaste, important et historique de tous. C’était le siège du pouvoir politique des villages. », confirme la notice d’un guide.

Un lieu aujourd’hui sécurisé

Au début des années 2000, ce lieu reculé, difficilement accessible, fut le théâtre du conflit armé entre l’armée colombienne, les Farc, l’ELN et les paramilitaires d’extrême droite (AUC), notamment pour le contrôle des plantations de coca.
Les lieux sont totalement sécurisés depuis 2005, l’armée régulière veillant sur ce site archéologique majeur de Colombie.

Texte d’Hugues Derouard