En Amérique Latine, la Colombie, plus que tout autre pays, fait encore figure de pays à défricher. Sa nature l’y oblige. Entre la région du Chocó à l’Ouest, dont la côte n’est accessible que par les airs ou par bateau, les immenses plaines des Llanos à l’Est, s’étendant à perte de vue jusqu’à la lisère de la plus grande forêt du monde, l’Amazonie, au Sud du pays. La Colombie regorge de lieux insolites où la présence des hommes a été, et continue d’être, l’exception plutôt que la règle. Des zones oubliées bien souvent, à l’histoire violente parfois, mais qui aujourd’hui recèlent de nombreux trésors. En canoë, avion à hélices ou à la machette, vous devrez vous y frayer un chemin, loin des sentiers battus.

Une géographie singulière

Sur un territoire de plus d’un million de kilomètres carrés (deux fois la superficie de la France), la Colombie est traversée par la cordillère des Andes qui se subdivise en trois tronçons, achevant de morceler le pays. Que ce soit en termes de climat, de culture ou de population, la Colombie apparaît très diverse lorsque l’on passe d’une région à l’autre. Le relief a joué un rôle prépondérant dans l’organisation du territoire. De nombreuses régions sont restées totalement isolées du reste du pays. Encore aujourd’hui, même avec les progrès du réseau de transports, certaines zones sont préservées et la présence de l’Etat, ou de tout ce qui s’y rattache, n’a toujours été que marginale. Au départ, les axes de communications étaient les mers ou les grands fleuves : le Magdalena, le Cauca par exemple. Petit à petit, les routes se sont développées mais les cols sinueux qu’il faut traverser à chaque périple rallongent les déplacements. A titre d’exemple, il y a 400 kilomètres de route entre Bogota et Medellin, mais il faut presque 10 heures pour rejoindre ces deux plus grandes villes du pays. Alors imaginez une seconde ce qu’il en est pour rejoindre des villages situés au sud de l’Amazonie ? Il faut emprunter les chemins de traverse et peu de touristes le font. Terra Colombia vous propose une visite aux quatre coins cardinaux…

Des zones à défricher

Los Llanos

Cette région, baptisée en l’honneur des plaines (llanos en espagnol), s’étend à perte de vue jusqu’au Venezuela voisin. Les Llanos sont une région agricole à cheval entre les départements du Meta, Vichada, Arauca et Casanare.

Elles sont gorgées d’eau et de poésie. Si les grandes villes comme Villavicencio ou Yopal sont situées à quelques encablures de Bogota, en dévalant la cordillère orientale, il est possible de poursuivre sa route jusqu’aux confins de ce plateau verdoyant. Le Parc National El Tuparro est sûrement une étape incontournable pour les amateurs de faune et de flore qui souhaitent avoir un aperçu de l’immense diversité qui caractérise cette région. Sillonnant les plaines, de nombreux fleuves méritent le détour comme le Rio Manacias, le Guaviare, l’Orenoque, l’Inirida ou le Meta. En partance de Puerto Lopez, Puerto Gaitan ou Puerto Carreño, des villages échoués sur les rives, de nombreux voyages de pêche sont organisés pour les plus aventuriers. Une terre de cowboys dont le folklore est très atypique en Colombie. La musique llanera, le joropo (la danse traditionnelle) aux airs de guitare mêlée de harpe, est empreinte de nostalgie. Le joyau de cette région devient de plus en plus accessible : Caño Cristales. Une rivière qui se teinte de mille couleurs une partie de l’année.

El Chocó

À l’extrémité occidentale du pays, s’étend une région côtière aussi fabuleuse qu’isolée : le Chocó. Extrêmement humide (la pluviométrie y bat des records), cette région borde l’océan Pacifique avec ses plages de sable noir, teinté par les rivières.

Longtemps déchiré par le conflit, le Chocó s’ouvre aujourd’hui de plus en plus au reste du pays. La particularité de cette côte c’est qu’elle est difficilement accessible. Aucune route ne traverse la jungle. Il faut s’y rendre en « coucou » depuis Medellin, Cali ou Quibdo, ou en bateau depuis Buenaventura (une bonne aventure effectivement). La zone qui environne Bahia Solano est comme son nom l’indique très isolée. Le tourisme s’y développe à petit pas, notamment dans la réserve naturelle d’El Valle. En fonction de la saison, il est possible d’y observer, des baleines, des tortues ou des requins. Terre d’afro-descendants, la culture locale est exceptionnelle, riche de traditions musicales et ancestrales.

Las Lajas

Au Sud Ouest, la région du Putumayo et du Nariño ne sont pas les plus prisées par les touristes. Ou bien ceux de passage qui se rendent en Equateur. Pourtant, elles regorgent de lieux méconnus tout aussi splendides que dans le reste du pays. San Juan de Pasto est le chef lieu du Nariño.

Les pastusos sont réputés pour leur hospitalité. Chaque année, le festival de los Blancos y Negros célèbre l’histoire métissée de la Colombie et attire les foules. A quelques encablures de Pasto, la lagune de La Cocha abrite un sanctuaire naturel sur l’île Corota, d’origine volcanique. Car cette région est la porte d’entrée à la majestueuse allée des volcans qui s’étire dans la cordillères des Andes jusqu’en Equateur. Perchée dans les montagnes, vers la frontière à Ipiales, la cathédrale de Las Lajas, de style médiéval, est un trésor architectural. Au lieu du christianisme, honorant la Vierge de Notre-Dame du Rosaire, le lieu est visité par des milliers de pèlerins en septembre et à Pâques. La route vers Mocoa, dans le Putumayo, qui descend jusqu’à l’orée de l’Amazonie est réputée dangereuse mais sublime et est jalonnée de sites en pleine nature pour les amateurs de grand air…

El Darién

Aux confins septentrionaux du pays, à quelques kilomètres de la frontière avec le Panama, au nord du Chocó, la région d’El Darien ouvre également de nombreuses possibilités pour qui s’y aventurent. La région a longtemps été sous le joug des guérillas et des groupes paramilitaires.

Dans certaines zones c’est toujours le cas aujourd’hui. Mais du côté du Golfe d’Uraba, une myriade de petits villages est désormais accessible en partance de Turbo. S’il vaut mieux faire attention à qui on s’adresse, il serait dommage de ne pas tenter l’aventure. Les plages de Sapzurro ou Capurgana par exemple se méritent. Un trajet mouvementé en bateau est le passage obligé. Une fois arrivés, vous découvrirez par contre des villages de pêcheurs où le temps s’écoule lentement. De nombreuses excursions dans la forêt luxuriante sont également un bon moyen de découvrir cette région entre jungle et Caraïbes.

 

En dehors des circuits touristiques traditionnels, les zones autrefois inaccessibles à cause du conflit armé sont désormais atteignables et sûres. Des destinations isolées, intactes et authentiques qui régaleront les amateurs de nature et de sites insolites.

Texte d’Eliott Brachet