Si la Colombie est réputée pour la volupté de son café, une autre denrée toute aussi prisée parsème les plantations colombiennes de la Cordillère des Andes à l’Amazonie : le cacao. Traditionnellement cultivé par les communautés indigènes depuis des millénaires, la production de cacao colombien atteint aujourd’hui des records et s’exporte au-delà du continent, régalant les amateurs du monde entier. À l’heure de la transition vers la paix, le cacao est également au cœur des politiques de substitution de cultures dans les campagnes, en remplacement de la coca.

Usages traditionnels et modernité

Le cacaoyer est un arbre de forêt tropicale ou équatoriale. Il demande un climat chaud et humide et la Colombie semble présenter tous les attributs nécessaires à sa croissance. Un véritable El Dorado de la fève. Le cacaoyer colombien est pour l’essentiel de la famille des « Criollo », comme dans le reste de l’Amérique Latine. Il se distingue par ses grosses fèves claires et ses cabosses vertes. On trouve également du Forastero, poussant principalement dans l’Amazonie et reconnaissable à ses fèves violettes. En 2016, la production de cacao en Colombie a atteint un record historique : plus de 56 000 tonnes ont été récoltées dans ce pays andin. Malgré le phénomène climatique d’El Niño, qui a rendu difficiles les conditions de production, celle-ci était tout de même en nette augmentation vis-à-vis des années précédentes.

Cependant, la culture du cacao n’a pas été de tous temps aussi intensive. Elle puise tout d’abord ses racines dans les usages traditionnels qu’en faisaient les communautés indigènes du pays depuis des millénaires. Dans la Sierra Nevada de Santa Marta, considérée comme le « cœur de la Terre » par les communautés qui y vivent en quasi-autarcie, on compte plus de 400 hectares de plantations de cacao. Cette réserve, classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, produit une qualité de fève de cacao presque inégalée sur la planète.

En 2016, à Londres, le cacao de la Sierra a remporté la médaille d’or du meilleur chocolat du monde face à la France et la Suisse. Selon Santiago Peralta, un chocolatier équatorien qui a travaillé avec du cacao colombien lors de cette compétition : « le chocolat est certes une denrée très européanisée mais les saveurs sont plus surprenantes sur le continent latino-américain ». Il souligne l’importance de la culture de ces fèves pour l’agriculture locale et les petits producteurs des pays de ce continent. Nommé Tutu Iku (70%) du nom des mochilas (besaces) que portent les indigènes Aruhacos, le chocolat qu’il a créé incarne l’idéal de responsabilité qui incombe aux producteurs de cacao, les incitant à respecter les usages traditionnels.

Au-delà de la production de masse, le cacao semble en effet représenter un enjeu de taille pour le développement et la pacification de la Colombie.

De la coca au cacao

Dans la Sierra Nevada, toujours, les cultures de cacao ont pendant longtemps été concurrencées par les plantations de coca. Cette plante sert de base à la fabrication de cocaïne dont la Colombie est le premier exportateur mondial. Du fait du développement du narcotrafic à partir des années 1980 et de l’influence des guérillas ou groupes paramilitaires sur une immense partie du territoire, il était bien plus intéressant économiquement pour les petits agriculteurs colombiens de cultiver la coca que d’autres plantes, y compris le cacao. La pâte-base confectionnée avec quelques kilos de feuilles de coca servait bien souvent de monnaie locale dans les coins les plus reculés du pays.

Avec les Accords de Paix signés en 2016, qui comportent spécifiquement un volet sur la substitution de cultures illégales, la situation s’améliore progressivement. Le gouvernement avait également lancé quelques années auparavant des plans d’aide au développement de ces cultures vivrières essentielles à la survie de ces paysans, sans qu’ils tombent dans le giron des groupes armés. Les versants de la Sierra Nevada qui étaient autrefois couverts de coca sont peu à peu remplacés par des cacaoyers. 200 familles Arhuacas vivent aujourd’hui de cette production. Le même processus s’enclenche aux quatre coins du pays, à des niveaux de réussite variables.

En Colombie, au total, environ 40 000 familles vivent de cette production. La route est encore longue vers une production responsable mais la fève a déjà fait son bout de chemin.

Texte d’Eliott Brachet