« Cantando, cantando, yo viviré, Colombia tierra querida »

La voix de Matilde Diaz entonne le refrain de cet hymne incontournable de la cumbia colombienne, composé par le célèbre Lucho Bermudez en 1970. Au pays de l’or et de l’émeraude, la musique se taille une place de choix parmi les innombrables richesses existantes. Omniprésente dans ce coin du monde, « la música » relie constamment les colombiens avec leurs traditions. Incarnant, par sa diversité de rythmes et de couleurs, le brassage ethnique et culturel qui les caractérise. La Colombie est le berceau d’artistes de renommée internationale qui, fiers de leurs origines métissées, ont su exporter à travers le monde les rythmes endiablés et les mélodies envoûtantes de ce pays tropical.

Dans le panel musical colombien, on retrouve un grand nombre de styles différents, invitants autant à danser qu’à écouter. Chaque région à le sien, allant du vallenato au currulao, du mapalé au merengue en passant par la salsa, la musique llanera, l’afro-funk, etc. Et bien évidemment la cumbia, qui incarne tout ce qui est cher aux Colombiens. Elle charme les mélomanes par la fusion entre les rythmes des tambours afro-descendants, les mélodies des communautés indigènes Andines ou Amazoniennes et enfin l’harmonie et la langue espagnole apportées par les Conquistadors.

Voilà un merveilleux mélange de saveurs, un sancocho comme aiment à s’y comparer les colombiens, que nous allons tenter de déguster dans ce qui suit. Aujourd’hui, la musique colombienne revient sur le devant de la scène. Et notamment en Europe où le public se masse de plus en plus dans les festivals ou les concerts accueillants chaque jour davantage de sonorités latino-américaines. Outre les Joe Arroyo, Pacho Galan, Andres Landero et autres inoubliables monuments, il est passionnant de constater comment les grands artistes d’hier passent de nos jours le relai aux nouvelles générations.

Les stars incontournables s’exportent

Impossible de parler de stars de la musique colombienne sans mentionner, au moins en passant, les artistes qui s’exportent le mieux à l’étranger. A ce titre, Shakira et Carlos Vives sont des figures incontournables. Originaires de Barranquilla et de Santa Marta, le sang de la costa coule bien dans les veines de ces deux artistes pourtant bien différents. Ils ont d’ailleurs uni leurs talents pour la célèbre chanson « La Bicicleta », un tube qui a fait le tour du monde.

Dans un tout autre style, Toto la Momposina fait figure d’ambassadrice de ce que la Colombie a de meilleur musicalement parlant. « La Reine de la cumbia » est originaire de Mompox, une cité coloniale érigée au cœur des marécages, à quelques encablures de la costa caribeña. Cette icône décrit sa musique comme « la rencontre des cultures africaine et indienne, avec les flûtes gaïtas, les sons de fanfare et les tambours africains. Mais c’est aussi une déclaration d’amour d’une femme à un homme. Les premières chanteuses de cumbia la dansaient avec des bougies dans les mains : un symbole de leur rôle de gardienne du foyer… et un moyen de tenir l’homme à distance ! Cette danse était aussi un rituel sacré, dont les jeunes des villes ignorent tout aujourd’hui ». Cette voix emblématique vient d’achever une tournée européenne cet été, loin d’être la dernière. À 77 ans et après 50 ans de carrière, cette grande dame n’a rien perdu de sa superbe et les concerts qu’elle donne, toujours entourée des meilleurs musiciens, électrifient les publics.

Dans la même veine, des chanteuses comme Nelda Piña ou Petrona Martinez traversent parfois l’Atlantique pour faire découvrir un répertoire folklorique de cumbia traditionnelle ou de bullerengue, un genre proche. Ces grandes dames n’hésitent pas à se faire accompagner lors de leurs tournées internationales par de jeunes groupes émergents comme le Bogota Orchestra of Afrobeat ou la Rueda de Madrid. Entre octobre et novembre, en France, il sera possible d’écouter d’autres légendes de la cumbia : los Gaiteros de San Jacinto. Ce groupe, né dans un petit village de la côte caribéenne, est une véritable institution au sein de laquelle se sont succéder cinq générations de musiciens, chantant la vie, l’amour et la mélancolie.

La scène qui émerge

Parmi ces figures emblématiques, difficile de se faire une place ! Pourtant, une myriade de jeunes artistes colombiens réussit à tirer son épingle du jeu, puisant dans les racines ancestrales pour proposer des compositions musicales explosives.

C’est le cas de Bomba Estereo, un groupe formé à Bogota en 2005 par le duo Simon Mejia et Liliana Saumet, vocaliste et coauteure des paroles du groupe. Cette « bombe stéréophonique » fusionne musique électronique, rock, reggae et rap avec des sonorités plus traditionnelles comme la cumbia ou la champeta.

Herencia de Timbiqui est une formation de 11 musiciens colombiens originaires de la région du Cauca. Ces artistes, tous afro-descendants, ont à cœur de faire revivre le patrimoine de la musique noire du Pacifique. Les mélodies sont menées par la marimba de Chonta, l’instrument phare de ce genre de musique, accompagnées d’un chœur de voix puissantes.

Dans un autre style, des groupes comme ChocQuibTown ou Systema Solar franchissent de plus en plus de frontières. Le premier est issu de la ville de Quibdo, capitale du Choco, une des régions les plus isolées de Colombie. Très marqués par leur identité afro-colombienne, ses membres revendiquent des textes engagés, contre la spoliation des terres par les entreprises, ou contre la marginalisation de cette contrée aux traditions fortes. Les joyeux lurons de Systema Solar, eux, se revendiquant plutôt des Caraïbes, sont également une référence hip-hop en Colombie, bourrés d’énergie et d’autodérision.

Pas vraiment colombien – mais peut-être le plus colombien des « gringos » – William Holland plus connu sous le nom de Quantic mérite à sa place au sein de cette sélection d’artistes faisant le lien avec le patrimoine musical colombien. Avec le Frente cumbiero , un groupe mené par Mario Galeano, il pilote le projet Ondatropica . L’idée est de remettre sur le devant de la scène les pépites produites à l’époque par le Label Fuentes (le plus grand label de cumbia). Ensembles, ils participent au rayonnement mondial de la musique colombienne.

Alors que l’Année France-Colombie touche bientôt à sa fin, les sonorités colombiennes inondent l’Hexagone. Cependant, il faudra bien mettre les pieds en Colombie pour prendre conscience de l’ampleur de la musique dans ce pays. A chaque coin de rue, dans chaque taxi, sous les cocotiers ou perchés dans les Andes, vous entrerez dans la danse. Que vous le vouliez ou non !

Texte d’Eliott Brachet